Yves Mont-Rouge, éditorialiste à freedom : « Quand Monsieur CKC m’a expédié chez le coiffeur… »

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C’est avec tristesse que j’apprends la mort de Monsieur Maximin Chane Ki Chune, ancien patron du Quotidien de la Réunion. Je ne l’oublierai pas pour au moins deux raisons : la première, c’est lui qui m’a offert mon premier contrat de travail dans la presse. La deuxième, et je me la rappellerai toujours. C’était mon premier entretien avec lui, dans le bureau de son bras droit, Jean-Paul Fong-Yan, au premier étage du siège du Quotidien, dans le quartier du Chaudron, face à l’entreprise de glaces et sorbets Adélis. C’était au début de l’année 1984.

Tous deux étaient face à moi et me regardaient de la tête aux pieds, moi jeune Saint-Andréen, venu du quartier de la Cressonnière, avec un petit cahier dans la main et, surtout les longs cheveux noirs bouclés qui me tombaient sur les épaules. Après plusieurs questions sur un ton assez sec concernant mes motivations, je n’oublierai jamais la dernière demande de Monsieur Maximin Chane Ki Chune. Jean-Paul Fong-Yan, je m’en rappelle, n’a rien dit mais a acquiescé du regard. Il n’était pas du genre à beaucoup parler. Il était même plutôt impressionnant, pour ne pas intriguant, Monsieur Fong-Yan. Monsieur Chane Ki Chune, avec un petit sourire à la commissure des lèvres, les yeux un brin malicieux, le ton très saccadé et toujours aussi sec. Il m’a fixé du regard et m’a dit : « Ok, c’est bon, revenez après-demain ». Timidement, le jeune tout juste sorti d’école que j’étais, ai osé, d’une voix presque tremblante, lui demander : « pourquoi après demain ».

Et là, il m’a « tué » comme diraient les jeunes. « Demain, vous allez chez le coiffeur ! ». Il s’est retourné et a regagné son bureau en me disant aurevoir. Suis reparti du bureau à la fois content d’avoir été pris pour mon premier boulot dans la presse mais aussi le cœur gros, très gros, avec une envie de pleurer car il venait de me demander de me débarrasser de ce que je pensais être très précieux pour moi : mon atout charme, à savoir ma belle chevelure qui ondulait sur mes épaules et qui m’avait manifestement valu pas mal de succès au lycée. Je n’en dirai pas plus…

« Merci de m’avoir ouvert les portes de la profession Monsieur »

J’ai quitté le bureau, suis reparti, à pied, je n’avais pas encore de voiture à l’époque. Issu d’une famille pauvre, je n’avais pas les moyens de m’en payer une. J’ai repris le bus, suis rentré à Saint-André. Quand je suis arrivé à la maison où m’attendait ma mère impatiente de connaître la réponse à l’issue de mon premier entretien d’embauche, j’ai éclaté en sanglots. J’ai lu la déception dans les yeux de maman; Elle a tout de suite pensé que je n’avais pas été accepté. En fait, je pleurais pour mes cheveux que j’allais devoir couper courts.

Malgré tout, suis allé chez le coiffeur du village, qui m’a fait une tête au carré. Me suis pointé comme prévu, le surlendemain au Quotidien où j’ai été affecté au service des Archives, dans un premier temps, « pour apprendre le métier », c’est-à-dire découper les articles de presse, les ranger dans un dossier. On ne parlait pas d’informatique à l’époque. J’étais content de côtoyer les « grands » de la rédaction quand je la traversais de temps à autres : Idriss Issa (qui s’occupait de l’Agriculture), Matthieu/Philippe Legros (Politique), Alix Dijoux et Alain Foulon (Economie), Ian Hamel, Jean-Pierre Aguila, Alain Courbis, Marine Dusigne et bien d’autres encore dont j’ai oublié les noms. J’y suis resté quelques mois, avant de migrer vers le JIR, fin 1984, et où j’ai ensuite fait toute ma carrière, soit près de 33 années, dans la presse écrite…

Merci de m’avoir ouvert les portes de cette profession qui me passionne toujours autant 40 années plus tard et que j’exerce encore avec beaucoup de plaisir et de curiosité. Merci pour tout Monsieur Maximin Chane Ki Chune, vous avez été un grand Monsieur de la presse, vous avez bousculé les codes en matière de pluralisme, en matière de liberté d’expression, comme l’a fait Camille Sudre, à la radio, en 1981. Que votre âme repose en paix ! Mes sincères condoléances à sa fille Carole, à son fils Boris et à toute sa famille. Mes pensées également à tous les journalistes, anciens et nouveaux, qui l’ont connu au Quotidien.

Yves Mont-Rouge

montrougeyves@gmail.com
Téléphone : 0692 85 39 64

7 Commentaires

  1. e^i. pi=-1 formule de mathématiques que l’on aprenait en terminale c dans les années 75.
    Le prof de math la traduisait ainsi à l’usage d’un de nos camarades qui avait les cheveux bien en dessous des epaules:
    Le hippy c’est moins que rien.
    Et il rajoutait :
    Cheveux longs idées courtes.

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