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Maurice Gironcel : une carrière politique qui finit en eau de boudin; L’option Frédéric Maillot fait grincer des dents au sein du PCR

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Le moins que l’on puisse dire, c’est une fin de parcours politique sous tension à Sainte-Suzanne. La trajectoire politique de Maurice Gironcel, maire historique de Sainte-Suzanne depuis 1993 – suite au décès de Lucet Langenier avec qui il avait débuté au tout début des années 80 – s’achève dans un climat de crispations et d’incompréhensions au sein même de son camp. Alors que beaucoup s’attendaient à ce qu’il passe la main de manière ordonnée, en préparant la relève au sein du Parti communiste réunionnais (PCR), sachant qu’il allait « dérouiller » au niveau justice en raison de l’affaire dite du Sidélec (corruption), on observe que la sortie annoncée de l’élu s’est au contraire transformée en sujet de discorde. Gironcel à bout de souffle, politiquement acculé.

Depuis sa condamnation survenue le 25 septembre dernier – 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire –  Maurice Gironcel avait publiquement évoqué l’idée d’une transmission «par la grande porte » et d’un départ anticipé, présenté comme une manière digne de conclure un long parcours politique. Bref, au lieu de partir la tête haute et de sortir par la grande porte, le voilà contraint aujourd’hui de se barrer presque par la fenêtre. Il est même prêt à laisser les clés de la boutique – si toutefois le peuple le suit – à un non communiste. C’est en effet le nom de Frédéric Maillot, l’actuel député de la 6ème circonscription qui revient depuis lundi soir. Depuis l’annonce faite de son retrait des municipales de 2026 au profit d’un candidat ou d’une candidate de l’union de la gauche qu’il ne cesse à présent de louer.

Maurice Gironcel (ici en compagnie d’Huguette Bello) appelle à l’union de la gauche et prêt à céder la place à un candidat non-communiste

Pour certains militants, cette situation donne l’impression d’une sortie subie, imposée plus que choisie, brouillant l’image d’un élu qui aurait pu mettre en scène une transition maîtrisée après mars 2026.

Le secrétaire général du PCR (Parti communiste réunionnais) avait promis de laisser la place à un ou une candidate issue du parti. Or, l’orientation actuelle laisse entrevoir un scénario bien différent : Frédéric Maillot, bien que d’obédience de gauche, n’a jamais été encarté PCR.

Ce choix suscite un malaise palpable dans la section locale du PCR. Plusieurs militants, selon leurs propres déclarations, perçoivent ce revirement comme un «une trahison». Une grande partie d’entre eux exprime leur désaccord, comprenant difficilement que la relève communiste annoncée laisse place à une candidature extérieure au parti. D’autant que Maurice Gironcel, avec la complicité du Parti socialiste d’Ericka Bareigts (la Plateforme réunionnaise) était allé chercher son adversaire principal, en la personne d’Alexandre Laï-Kane-Chéong (dit Alec), du Parti Croire et Oser, pour combattre Frédéric Maillot, le candidat d’Huguette Bello (PLR/Pour La Réunion), lors des législatives de juin 2024. Un peu plus plus tard, Maurice Gironcel se trouve sur le point de demander à ses militants de Sainte-Suzanne, PCR y compris, de soutenir Maillot contre Laï-Kane-Chéong. Autant dire, un vrai manger-cochon que les électrices et électeurs de la commune ne sont pas prêts d’ingurgiter.

L’actuel député de la 6ème circonscription, Frédéric Maillot, considéré comme « le petit protégé » d’Huguette Bello (à sa droite sur la photo archives/YM). Son nom revient souvent ces derniers temps du côté de Sainte-Suzanne, commune qui été gérée par feu Lucet Langenier, papa de de sa suppléante Leïla Langenier (à sa gauche sur la photo).

Au-delà de ce non-sens politique, la section communiste de la ville ne comprend pas « pourquoi Gironcel fait tout en misouk » (en cachette), sans ne rien dire au bureau du parti dont il est le secrétaire général. La preuve, le 1ᵉʳ décembre dernier, il y a trois jours, lors d’une réunion avec les militants de Sainte-Suzanne, Maurice Gironcel ne laisse rien filtrer de ses intentions. C’est finalement le soir même, à la télévision, qu’il annonce qu’il ne sera pas candidat aux municipales des 15 et 22 mars prochains et qu’il discute avec Pour La Réunion (PLR), et toute la gauche pour préparer sa succession à la mairie.

Gironcel est son petit cercle très restreint : « arrangements politiques en misouk »

Ce décalage entre parole interne et communication publique a profondément irrité une partie de la base. Plusieurs cadres communistes locaux y voient une mise devant le fait accompli, voire une « trahison » de l’esprit collectif qu’ils revendiquent. « Maurice Gironcel se sert de nous mais toutes ses décisions sont déjà prises en amont en compagnie d’un cercle très restreint composé de Gilles Leperlier, son directeur de cabinet à la Cinor; Yvan Dejean, son directeur de cabinet au Sidélec et de sa fille Nadine Gironcel-Damour, la conseillère régionale et directrice de la Communication à la mairie de Sainte-Suzanne, qu’on ne voit plus à son poste de travail depuis très longtemps », explique un membre de la section communiste de Sainte-Suzanne.

Dans ce contexte tendu, diverses interrogations émergent au sein des militants. Certains redoutent que les discussions entre Gironcel et PLR dépassent la seule question municipale. Des spéculations circulent concernant d’éventuels « arrangements politiques », notamment autour du futur rôle de personnalités proches de l’entourage du maire sortant. Autrement dit, ceux-là mêmes qui le conseillent penseraient d’abord à leur « recasage » après mars 2026 (à la Région ou ailleurs dans une annexe), plutôt qu’au destin politique de Sainte-Suzanne et de sa population.

Il s’agit toutefois de perceptions internes, relayées par des militants eux-mêmes, et non d’éléments établis. Elles traduisent surtout un climat de défiance et d’incompréhension face à une transition perçue comme improvisée ou opaque.

En tout cas, personne n’aurait parié sur une sortie (une fin de carrière) aussi chaotique pour un homme comme Maurice Gironcel, qui aura marqué l’histoire politique de Sainte-Suzanne. A 77 ans, le leader communiste qui est à la tête (encore pour trois mois) du seul bastion PCR qui reste à la Réunion, se voit presque contraint aujourd’hui de « manger dans la main » d’Huguette Bello qui, elle-même, avait claqué la porte, en 2012, au nez du fondateur du PCR, Paul Vergès, pour créer son propre parti « PLR » et devenir, paradoxalement, la représentante de la gauche communiste locale.

De gauche à droite : Nadine Gironcel-Damour, Maurice Gironcel, René Sotaca et David Gauvin. (photo archives/YM)
René Sotaca (entre la fille et le père Gironcel sur notre photo), conseiller départemental de Sainte-Suzanne, encarté PCR depuis sa majorité, a toujours été fidèle à son parti, loyal envers Maurice Gironcel. Il coche toutes les cases définies jusqu’à présent par l’actuel maire pour être le candidat de la majorité municipale sortante. Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus Gironcel qui a les cartes en main…

Une fin de carrière chaotique, disais-je, car d’aucuns auront compris que, depuis sa condamnation dans l’affaire du Sidélec et son éjection programmée, Maurice Gironcel ne pèse plus sur le parti, ni d’ailleurs sur ce qui était sa majorité municipale, au point que certains élus.es de ladite majorité envisagent de se présenter aux municipales de mars 2026. Cela pourrait être le cas de Ramata Touré (Renaissance) qui faisait partie de son équipe depuis 2020 et, peut-être aussi, de René Sotaca, le conseiller départemental de la commune, qui a toujours été communiste, fidèle et loyal envers Maurice Gironcel et la majorité municipale, omniprésent sur le terrain pour porter la politique de l’actuel maire, même s’il n’est pas conseiller municipal. Selon certains membres de la section communiste de Sainte-Suzanne, René Sotoca aurait « le parfait profil du candidat communiste, militant, jeune, dynamique, fidèle, loyal » pour prendre le relais à Sainte-Suzanne, mais pas sûr que Maurice Gironcel et son petit cercle restreint soient sur cette même longueur d’ondes. Une réunion de la section communiste a été programmée ce jeudi soir, 4 décembre. Elle n’avait pas été prévue dans l’agenda de Gironcel, qui sera obligé de « faire avec », comme on dit, face au mécontentement des membres de la section.

Force est de constater que la transmission, la préparation de la relève, a toujours constitué un problème pour les leaders politiques. C’est valable aussi bien pour la gauche que pour la droite. Deux partis traditionnels qui tremblent à présent devant l’extrême droite. Ils l’ont bien cherché !

Yves Mont-Rouge

montrougeyves@gmail.com
Téléphone : 0692 85 39 64

10 Commentaires

  1. L’enrichissement personnel dans toute da splendeur( fille directrice, déclassement terrain) a été le mot d’ordre pendant toutes ces années.. Sint suzann doit changer d’équipe avec le départ de Gironcel . Il faut arrêter ce pillage des fonds publics. Remettre le PCR en 2026 c’est donner aux mêmes personnes le pouvoir de magouiller.
    Plus de 40 ans cela suffit, la roue tourne..

  2. Et alors, en quoi est-ce surprenant? Ce sont les magouilles politicardes habituelles, à gauche comme à droite. J’admire les « militants ». En fait ce sont toujours eux les cocus de la farce, jamais au courant. Je ne parle même pas des électeurs, eux ce sont les moutons habituels, en toutes circonstances.

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