J’avais pas mal de petites histoires à vous raconter, mais l’actualité politique nationale m’a contraint de changer mon fusil d’épaule et de me limiter à commenter cette instabilité politique qui règne depuis les législatives de juillet dernier mais qui a atteint son paroxysme, ce mercredi 4 décembre, à l’Assemblée nationale, lors du vote par les extrêmes et leurs alliés de la motion de censure renversant ainsi le gouvernement Barnier. Lequel n’aura tenu que 2 mois et 29 jours. Record battu sous la Ve République !

Mais avant de revenir à la séance de mercredi soir, au palais de Bourbon, voyons voir un peu ce qu’a raconté Emmanuel Macron, hier soir, jeudi 5 décembre, à la télévision. A vrai dire, rien d’extraordinaire si ce n’est qu’il reste Jupiter, qu’il reste le chef de tout et responsable de rien, que les Français n’ont pas compris sa décision de dissoudre de l’Assemblée nationale en juin dernier après les élections européennes, que les députés du « front anti-républicain » NFP et RN sont des « députés du désordre ».

Bref, Emmanuel Macron, qui a beaucoup insisté sur la réouverture de la cathédrale Notre Dame de Paris ce samedi 7 décembre pour faire comprendre que « la France est capable », a aussi indiqué qu’il ne démissionnera pas de son mandat « obtenu démocratiquement » en 2022. Mandat qui prendra fin en 2027. C’est Mélenchon qui sera content !

« Nous avons 30 mois pour agir », « pour mener des actions utiles pour le pays », a martelé Emmanuel Macron, oubliant sans doute qu’il est au pouvoir depuis 2017, depuis 7 ans. déjà!  Le Président de la République a annoncé qu’il nommera un nouveau Premier ministre «dans les prochains jours » ainsi que le vote « d’une loi spéciale » à la mi-décembre pour gérer le pays en cette période d’instabilité politique.

C’est tout. « Vive la République, vie la France », a-t-il dit. Bref, circulez, y’a rien à voir ! Tout va bien, pas de quoi de se prendre la tête ou de s’arracher les cheveux. Lui a déjeuné hier avec François Bayrou (futur Premier ministre ?) et se prépare à présent à recevoir, demain samedi, pas moins de 50 chefs d’Etat parmi lesquels Donald Trump pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, détruite par un gigantesque incendie en avril 2019. Prières, petits fours et champagne !

Revenons à l’Assemblée nationale, séance du mercredi 4 décembre : du cinéma ? Même pas, parce que le cinéma, ça a l’avantage de faire rêver, ça fait voyager dans le temps, c’est une invite à l’évasion. Un cirque ? Non plus, parce que le cirque, ça fait rire, il y a des clowns, c’est comique. La politique, celle que l’on voit et que l’on vit ces derniers temps sous l’ère Macron, surtout depuis les législatives de juillet dernier ne fait même plus rire. Elle fait fuir les électrices et les électeurs. On a pu le voir, ce mercredi 4 décembre, au soir, à l’Assemblée nationale des députés semblables à des clowns tristes qui ont offert aux Français (Réunionnais, y compris) un spectacle pathétique. Des élus dont se méfient de plus en plus la population qui ne croit plus en leur parole, tant elle se perd en conjectures face à des mots creux et qui plus est, contradictoires.

Des élus qui se crêpent le chignon un jour et qui, le lendemain, se font piouk-piouk à l’image de Marine Le Pen du Rassemblement National et de Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise. Un RN qui, telle une péripatéticienne de la politique, se retrouve un coup dans le lit du bloc central, un coup dans celui de la gauche et de l’extrême gauche. C’est du propre !

Avec un PS qui, comme un petit toutou, colle aux baskets de LFI quand ça l’arrange mais sans pour autant adhérer complètement au programme de Mélenchon. En dépit des apparences, on ne peut pas dire que c’est la grande entente entre LFI de Mélenchon et PS d’Olivier Faure. LFI/PS, c’est exactement comme Huguette Bello et Ericka Bareigts. Je t’aime, moi non plus !

LFI et PS n’ont jamais pu se mettre d’accord sur un nom pour le poste de Premier ministre. Le PS ne veut pas du programme complet de LFI. Un détail qui ne vous a sûrement pas échappé non plus : ce mercredi 4 décembre, à l’Assemblée nationale, Mélenchon a religieusement écouté le discours d’Eric Coquerel (LFI) ainsi que celui de Marine Le Pen. Mais lorsque Boris Vallaud, président du groupe PS, est monté au perchoir, le patron de LFI a quitté la salle.

Marine Le Pen a quant à elle, dans son discours, qualifié les Mélenchonistes de « Che Guévaristes de Carnaval » mais, pour autant, elle n’a pas hésité pas à se blottir dans leurs bras pour faire la nique à Michel Barnier pour lequel elle avait pourtant beaucoup d’admiration et qu’elle était « prête à des compromis ».

Or, depuis les réquisitions de « la justice politique » à son encontre dans l’affaire des collaborateurs de cabinets (Parlement européen), Marine Le Pen, la patronne de l’extrême droite, a basculé avec l’extrême gauche de Mélenchon et a voté avec ses députés frontistes, comme un seul homme, la motion de censure présentée par le NFP (Nouveau Front Populaire) pour renverser le gouvernement.

Personne n’est dupe ! Il s’agit bien d’une coalition des extrêmes de circonstance, une conjonction des contraires qui n’a pour cible qu’une seule personne : Emmanuel Macron. D’ailleurs, juste à l’issue du vote de la motion de censure (331 voix pour), le message du NFP et notamment des Mélenchonistes a été on ne peut plus clair : « Macron démission ».

En fait, même s’ils font piouk-piouk pour l’occasion, Le Pen et Mélenchon n’ont pas grand-chose en commun. Les convergences entre le RN et la NFP restent donc ponctuelles et stratégiques, liées à des contextes spécifiques comme le rejet de Macron. Ces convergences masquent des divergences fondamentales dans les idéologies et les solutions proposées. Leur vote commun contre le gouvernement témoigne davantage d’une opposition au pouvoir en place que d’une alliance programmatique durable.

Autrement dit, le NFP cherchait à défendre les droits sociaux, critiquer la politique libérale et relancer ses idées pour une 6^ème République, tandis que le RN a agi dans une logique populiste et opportuniste pour renforcer sa posture anti-système. C’était un coup politique, qui illustre autant leur capacité à peser dans le débat public que leurs profondes divergences idéologiques. Un coup de foudre politique. Mais on sait que les coups de foudre ne durent pas.

Dans l’histoire, Barnier a été le fusible. Tout comme le sera le prochain Premier ministre qui sera nommé par le Président de la République. Emmanuel Macron qui a déjeuné ce jeudi avec le centriste et patron du MoDem, François Bayrou, qui a été son ministre de la Justice en 2017, avant d’être contraint de quitter le gouvernement suite à une affaire judiciaire. Bayrou ? Bernard Cazeneuve (qui a été Premier ministre de François Hollande) ? Sébastien Lecornu ? Quel que soit le futur chef du gouvernement, ce dernier aura du mal à instaurer une stabilité politique face à l’alliance des extrêmes qui, manifestement, se sont données le mot pour dézinguer Macron. Sauf que le Président de la République, élu jusqu’en 2027, n’a pas du tout l’intention de démissionner de son mandat (voir plus haut).

La preuve, pendant que le pois de Barnier, son Premier ministre, était au feu à l’Assemblée nationale, lui était en train de bat’ caré en Arabie Saoudite, tout serein dans sa belle chemise blanche immaculée. Le boug lé vraiment pas là ek ça ! L’heure est grave ! Avec le vote de la motion de censure, on ne peut pas dire que le temps est à la sérénité.

Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que la chute du gouvernement renforce la perception d’un exécutif affaibli. Cela peut limiter la capacité du président à mener des réformes d’ici la fin de son mandat en 2027, surtout si un nouveau gouvernement peine à s’imposer. La non-adoption du PLFSS 2025 va forcément retarder la mise en œuvre des réformes sur le financement des retraites, des hôpitaux et des prestations sociales. De même que les négociations pour un nouveau texte ou des amendements risquent de stagner dans un climat politique tendu. Sans compter que cette crise politique pourrait inquiéter les investisseurs, entraînant une hausse des taux d’intérêt sur la dette publique française qui, faut-il le rappeler, s’élève à 3200 milliards d’euros. Ne parlons même pas du regard du monde sur la France. En effet, cette perte de crédibilité des institutions politiques françaises pourrait ternir l’image du pays auprès des partenaires internationaux et des agences de notation.

Déjà que le recours au 49.3, perçu comme antidémocratique, a suscité des critiques et mobilisé une partie de la population, la chute du gouvernement pourrait galvaniser les mouvements sociaux, avec des manifestations renforcées par le NFP, les syndicats et d’autres collectifs. Par ailleurs, les tensions pourraient s’intensifier, notamment sur des sujets sensibles comme le pouvoir d’achat, la réforme des retraites ou les inégalités sociales. Mais Macron, zen comme pas deux, n’en a cure des injonctions du NFP et du RN.

N’allez surtout pas lui dire que tout ce qui arrive, toute cette cacophonie politique, c’est sa de faute, notamment depuis sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale après l’échec de la Macronie aux dernières Européennes ! Il risque de vous ricaner au nez. D’ailleurs, il a bien dit hier soir à la télé que ce sont les Français qui « n’ont pas compris ». Je vous le dis, j’ai vraiment l’impression qu’il vit  sur une autre planète ! Dissolution de l’Assemblée nationale en juin; Elections législatives en juillet; Nomination d’un nouveau gouvernement qu’en septembre, après les Jeux Olympiques d’été. Renversement du gouvernement Barnier trois mois plus tard; Inauguration de Notre-Dame de Paris. Macron n’est pas pressé. Il nommera un nouveau Premier ministre « dans les prochains jours ». Cool Raoul !

En tout cas, chaque jour qui passe, nous apporte un peu plus d’éclairage sur le fossé qui existe entre les élus et la population et, surtout, sur le phénomène grandissant de l’abstention qui, bien loin devant les 11 millions d’électeurs du RN, reste le premier parti politique de France. Une abstention qui résulte d’un mélange de désillusion, de sentiment d’impuissance et d’une déconnexion entre les citoyens et les élites politiques qui disent, en fonction de l’air du temps, tout et son contraire, à l’instar de l’alliance contre-nature des extrêmes (gauche et droite/ Mélenchon-Le Pen) pour régler des comptes politiques.

Le pompon des pompons : Nadia Ramassamy qui passe de Macron à Ciotti

Pas plus tard que dimanche dernier, au grand rassemblement des forces progressistes au Domaine de la piscine, au Barachois (Saint-Denis), Huguette Bello a fustigé le Rassemblement National. Aujourd’hui, PLR, son parti politique, se félicite de cette union NFP/RN, qui a permis, via la motion de censure, de renverser le gouvernement Barnier. Ericka Bareigts et Huguette Bello ne peuvent pas (plus) se blairer. Tout le monde le sait. Pas besoin de faire un dessin. La première est à la tête de la Plateforme réunionnaise tandis que la deuxième revendique l’Union des forces progressistes, avec en prime, « la vraie gauche, c’est nous ! », dixit Huguette Bello. Mais quand il s’agit de la motion de censure, toutes les deux partagent la même ligne politique.

Le député Philippe Naillet, élu sous le drapeau du NFP en juillet dernier, a vite repris les couleurs du PS après son élection. Mais pour la motion de censure, il s’est rappelé aux bons souvenirs du NFP. Les députés LFI Ratenon et Gaillard sont souvent « évités » localement par PLR dans certains communiqués communément signés par Frédéric Maillot, Emeline K’Bidi, Karine Lebon et la sénatrice Evelyne Corbière, mais Ratenon et Bello se retrouvent toujours côte-à-côte dans les grands rassemblements populaires. Pou lé zié do moune, sans doute ?

Et puis, le pompon des pompons -deuxième évènement politique de la semaine après la motion de censure – c’est l’adhésion de Nadia Ramassamy à l’UDR d’Eric Ciotti, qui a rejoint le Rassemblement National de Marine Le Pen et de Jordan Bardela. Qui dit mieux ? Nadia Ramassamy qui, en juillet dernier, tirait à boulets rouges contre les extrêmes et plus particulièrement contre la candidate de l’extrême droite dans la 6^ème circonscription et qui, aujourd’hui, via l’UDR de Ciotti, rejoint la grande famille des frontistes, lesquels ont voté la motion de censure pour virer Barnier, le Premier ministre nommé par Macron alors que Nadia Ramassamy était la candidate de la Macronie lors des législatives de juillet dernier dans la 6^ème circonscription. Autant de retournements de veste, de contradictions, d’alliances conjoncturelles et opportunistes aussi bien au sein des droites que des gauches, qui font que les électrices et les électeurs ne croient plus en la politique et encore moins aux élus, et qu’ils prennent de plus en plus leurs distances avec toute cette politique clownesque. Ils ont bien raison de concentrer leurs efforts à la préparation des fêtes de Noël plutôt que d’attendre des hypothétiques Pères Noël politiques qui pensent d’abord à leur pré-carré, au pouvoir, quitte à passer par des alliances contre-nature… Terminons sur une note plus gaie, avec deux petites photos que j’aime beaucoup.

La mise en scène, tout un art en politique… J’ai aussi une petite pensée pour Cyrille Melchior, président du Département, qui a été obligé d’annuler la conférence de presse de Nouvel’ R, son nouveau parti politique, afin d’accueillir la ministre déléguée aux personnes âgées et les personnes en situation de handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, qui a passé deux jours complets dans l’île.

Melchior qui a mobilisé tout son staff et ses services du Département pour réserver un accueil chaleureux à la ministre… qui ne l’est plus depuis mercredi soir. Que de temps perdu!

Y.M

(montrougeyves@gmail.com)