Un an après Chido, Mayotte se souvient d’un cyclone hors norme

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Baptisé le 10 décembre 2024, le cyclone intense Chido reste gravé dans la mémoire des Mahorais. Quatre jours plus tard, le 14 décembre, ce système d’une violence exceptionnelle frappait de plein fouet Mayotte, avant de poursuivre sa trajectoire vers le Mozambique où il s’est dissipé le 15 décembre. Un an après, les experts s’accordent à dire que Chido constitue l’un des épisodes cycloniques les plus marquants de l’histoire récente du territoire.

Une trajectoire redoutée pour Mayotte

Selon les prévisionnistes de Météo-France, Chido a été exceptionnel avant tout par sa trajectoire. Le cyclone s’est formé à une latitude très au nord du bassin sud-ouest de l’océan Indien, avant de contourner Madagascar par le nord, au niveau du cap d’Ambre, puis d’obliquer vers le sud-ouest en direction directe de Mayotte.

« C’était le scénario du pire pour l’île », explique Sébastien Langlade, prévisionniste chez Météo-France. Habituellement, Madagascar agit comme une barrière naturelle qui affaiblit les systèmes avant qu’ils n’atteignent l’archipel des Comores. Dans le cas de Chido, cette protection n’a pas joué.

Des vents d’une violence extrême

Le cyclone a atteint son pic d’intensité le 12 décembre après son passage sur l’archipel d’Agaléga. Lorsqu’il a frappé Mayotte, il restait à la limite d’un cyclone intense. L’œil du système est passé sur le nord-ouest de Grande-Terre dans la matinée du 14 décembre, traversant l’île en une trentaine de minutes.

À Pamandzi, sur Petite-Terre, des rafales à 226 km/h ont été officiellement enregistrées. Les spécialistes estiment toutefois que les vents ont pu atteindre 250 km/h sur certaines zones exposées, notamment sur les hauteurs du nord de Grande-Terre et de Petite-Terre. La végétation y a été entièrement défoliée.

Classé équivalent à un cyclone de catégorie 4 selon l’échelle nord-américaine, Chido présentait un rayon d’action relativement réduit, d’environ 150 kilomètres, mais concentrant une puissance destructrice rare.

Pluies intenses et mer déchaînée

Les précipitations ont également marqué cet épisode. Les cumuls ont atteint 176 mm en 12 heures, notamment dans les hauteurs de Mamoudzou. De nombreuses stations de mesure ont cessé de transmettre des données à l’approche du mur de l’œil, endommagées par les conditions extrêmes.

En mer, la houle était tout aussi impressionnante, avec des vagues moyennes de plus de cinq mètres et des hauteurs maximales dépassant neuf mètres en dehors du lagon, notamment au nord-ouest de l’île.

Un événement historique pour Mayotte

Mayotte est rarement touchée directement par des cyclones majeurs. Avant Chido, le dernier épisode notable remontait à Belna, en décembre 2019, sans dégâts majeurs. Les plus anciens se souviennent encore de Kamisy, en avril 1984, qui avait causé d’importants dommages et un décès. Pour retrouver un impact comparable à celui de Chido, il faut remonter à février 1934, à une époque où les cyclones n’étaient pas encore nommés.

Un territoire fragilisé durablement

Moins d’un mois après Chido, en janvier 2025, la tempête Dikeledi a de nouveau frappé Mayotte, provoquant glissements de terrain, inondations et coulées de boue sur un territoire déjà affaibli. Jusqu’à 180 mm de pluie sont tombés en 12 heures dans le sud de l’île.

Dans la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, publiée en août 2025, l’État reconnaît que Chido constitue « la catastrophe naturelle la plus importante de l’histoire récente du pays », soulignant son impact durable sur la vie quotidienne, l’économie locale et les paysages de l’île.

Un an après, le souvenir de Chido demeure celui d’un cyclone d’une ampleur inédite, révélateur de la vulnérabilité de Mayotte face aux événements climatiques extrêmes.

Cyclone, tempête et reconstruction : trois lois pour refonder Mayotte

À la suite du passage du cyclone Chido et des épisodes météorologiques qui ont durement frappé Mayotte, trois textes législatifs ont été adoptés afin d’accompagner la reconstruction et la refondation du territoire mahorais.

La première de ces lois, dite loi d’urgence, a été promulguée le 24 février. Portée dans le cadre du plan gouvernemental « Mayotte debout », elle constitue le premier projet du gouvernement Bayrou. Ce texte vise à accélérer la reconstruction en assouplissant certaines règles, notamment en matière d’urbanisme et de commande publique. Il encadre toutefois strictement la vente de tôles afin d’éviter la prolifération de constructions précaires. La loi autorise également, pour une durée maximale de deux ans, le recours à des constructions démontables et temporaires, sans formalités administratives. Des mesures sociales y figurent également, dont la possibilité pour les propriétaires de contracter un prêt à taux zéro afin de réhabiliter leur logement.

Les deux autres lois ont été adoptées en août 2025. La loi de programmation pour la refondation de Mayotte, composée de 54 articles répartis en six grands titres, fixe les grandes orientations de l’action de l’État. Elle prévoit notamment la création d’un comité de suivi, chargé de veiller à la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures engagées, et de rendre compte au Parlement. Ce comité, qui devait être installé dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, accuse un retard, en partie lié à l’instabilité politique. Il devra remettre un rapport intermédiaire public avant le 1er juillet 2028.

Une large partie du texte est consacrée à la lutte contre l’immigration dite irrégulière et contre l’habitat informel. Ces dispositions ont suscité de vifs débats parlementaires, en particulier à l’Assemblée nationale. Les élus ont finalement durci plusieurs mesures, validées par le Conseil constitutionnel au regard des « contraintes particulières » du territoire mahorais. Les conditions d’obtention de la carte de séjour sont notamment renforcées, avec l’exigence d’une résidence habituelle de sept ans. À partir de juillet 2028, des unités familiales spécialisées pourront accueillir des mineurs étrangers et leurs parents en instance d’éloignement. Par ailleurs, le préfet de Mayotte est désormais autorisé, jusqu’en décembre 2034, à déroger à l’obligation de proposer une solution de relogement après la destruction d’habitations informelles.

Le texte comporte également un volet sécuritaire intitulé « protéger les Mahorais », permettant notamment des visites administratives renforcées en cas de risques graves pour l’ordre public, ainsi que des mesures ciblant l’emploi d’étrangers sans titre.

Sur le plan économique et social, la loi prévoit des investissements estimés à près de 4 milliards d’euros d’ici 2031. Les prestations sociales doivent progressivement converger vers celles de l’Hexagone. Le Smic net atteindra 87,5 % du niveau national dès le 1er janvier 2026, avec un objectif d’alignement en 2030. Un fonds de soutien de 100 millions d’euros est par ailleurs destiné aux 17 communes du département. Le préfet de Mayotte se voit confier une autorité renforcée sur les services de l’État jusqu’à fin 2030.

Enfin, la réforme institutionnelle transforme Mayotte en collectivité unique département-région, régie par l’article 73 de la Constitution. Ce nouveau statut renforce les compétences locales et permet à l’assemblée de Mayotte de formuler des propositions en matière de coopération régionale. De nouvelles instances, comme un conseil territorial de l’habitat et un centre territorial de promotion de la santé, sont également créées.

Ces trois lois marquent une étape majeure dans la reconstruction et la refondation de Mayotte, dans un contexte de fragilité structurelle accentué par les catastrophes climatiques récentes.

Une zone franche est instaurée sur l’ensemble du territoire pour une durée de cinq ans. La loi organique n° 2025-793 du 11 août 2025 accorde ainsi de nouvelles compétences à la collectivité unique désormais dénommée Département-Région de Mayotte. Cette réforme institutionnelle doit entrer en vigueur avant la fin de l’année. Un projet de décret d’application a d’ailleurs été soumis pour avis, le 5 décembre dernier, aux actuels conseillers départementaux appelés à devenir membres de la nouvelle assemblée.

Dans ce nouveau cadre, le président du Conseil départemental portera désormais le titre de président de l’Assemblée de Mayotte. Les conseillers départementaux deviendront quant à eux des conseillers à l’Assemblée de Mayotte.

Mayotte compte actuellement 13 cantons et le Conseil départemental est composé de 26 élus. La future assemblée unique sera constituée de 52 membres, élus pour un mandat de six ans, selon un scrutin de liste unique. Elle bénéficiera également du droit de parrainage dans le cadre de l’élection présidentielle.

Le nouveau découpage électoral reposera sur 13 divisions, correspondant aux périmètres des anciens cantons, afin d’assurer la continuité territoriale de la représentation politique.

« Darouba » : un documentaire pour préserver la mémoire du cyclone Chido

À l’initiative du Musée de Mayotte, un documentaire d’une trentaine de minutes donne la parole aux Mahorais confrontés à la violence du cyclone Chido. Intitulé « Darouba », terme shimaoré désignant le cyclone, le film revient sur la journée tragique du 14 décembre 2024, à travers des témoignages poignants et des images de terrain.

Réalisé par Hakim Saindou, écrit par Hachime M’Dahoma et nourri par le travail de recherche d’Achoura Boinaidi, ce projet produit par le Musée de Mayotte (MuMa) — rattaché à la collectivité départementale — a nécessité six mois de travail.

D’un travail d’archives à un film documentaire

À l’origine, l’ambition n’était pas de réaliser un documentaire. « Nous voulions d’abord recueillir des témoignages pour constituer des archives et conserver la mémoire de cet épisode cyclonique d’une rare intensité », explique Hakim Saindou, à l’issue d’une projection organisée le 5 décembre dans l’hémicycle Bamana. « Mais au fil de l’enquête de terrain et de la matière recueillie, le format documentaire s’est imposé naturellement. »

Diffusé pour la première fois sur Mayotte La Première le soir même, Darouba sera de nouveau projeté le 14 décembre, date anniversaire du passage du cyclone, à l’ouverture d’un colloque consacré aux enseignements à tirer de cette catastrophe climatique.

Des témoignages sans sensationnalisme

« Darouba, c’est plus fort que le mot cyclone », insiste le réalisateur. « Le terme renvoie à la notion de danger, de violence, à quelque chose de profondément dévastateur. »

Une trentaine de témoignages ont été recueillis aux quatre coins de l’île, même si tous n’apparaissent pas à l’écran. Le choix a été fait de ne pas sombrer dans le sensationnel. « Nous ne voulions ni ajouter de la douleur à la douleur, ni choquer inutilement, mais simplement raconter », souligne Hakim Saindou.

Le film donne ainsi la parole à des habitants ordinaires, livrant un vécu brut et sincère. Parmi eux, une habitante d’Acoua raconte comment elle venait tout juste de récupérer les clés de sa maison rénovée la veille du cyclone, avant de tout perdre le lendemain. D’autres témoignages, ceux d’une soignante désemparée ou d’un marin dont le bateau venait d’être remis en état, traduisent l’ampleur du choc.

Fragilité, entraide et mémoire collective

À travers ces récits, le documentaire met en lumière la vulnérabilité de Mayotte face aux phénomènes climatiques extrêmes. Beaucoup confient ne pas avoir imaginé une telle intensité. « La plupart des personnes interrogées ne pensaient pas que cela arriverait », note le réalisateur.

Sans invoquer la notion de résilience, souvent galvaudée, Darouba montre néanmoins comment le cyclone a ravivé des élans de solidarité et d’entraide au sein de la société mahoraise. Une dynamique collective née dans l’épreuve.

Le projet n’a pas été mené sans difficulté. Le Musée de Mayotte lui-même a subi d’importants dégâts lors du passage de Chido. « Un an après, le toit du bâtiment est toujours recouvert de bâches », rappelle son directeur, Abdoulkarim Ben Saïd, qui a laissé une entière liberté artistique à l’équipe du film. « Il y a parfois une forme de résignation face à l’incapacité d’agir. C’est aussi une réalité humaine. »

Avec Darouba, le Musée de Mayotte contribue à inscrire durablement le cyclone Chido dans la mémoire collective, non comme un simple événement météorologique, mais comme une épreuve humaine et sociale majeure.

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