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Sarkozy, Robert, Thien-Ah-Koon, Gironcel… la Justice et ses états d’âme ?

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Je ne suis pas juriste, ni spécialiste du Code pénal, ni diplômé de la magistrature. Je suis simplement un citoyen, comme tant d’autres, qui regarde la justice française avec respect, parfois avec espoir… mais de plus en plus souvent avec perplexité. Car il faut bien le dire : la justice française devient, elle aussi – ça n’engage que moi – un peu brouillonne. Comme la politique qu’elle côtoie parfois de trop près, elle me donne le sentiment de naviguer à vue, de se contredire, et parfois même, osons le mot, de se désavouer.

J’en veux pour preuve, le dernier épisode de ce feuilleton judiciaire à rebondissements : la libération de Nicolas Sarkozy, ordonnée par la Cour d’appel de Paris, quelques jours seulement après sa condamnation à de la prison ferme assortie d’une exécution provisoire. Attention, je tiens à préciser d’emblée, je ne suis ni contre ni pour Nicolas Sarkozy. Je ne suis pas là pour le juger. Ce n’est pas mon job. Si je me mets à sa place et à celle de ses proche, je pense que cela doit être un grand soulagement de ne plus dormir en prison. Moi, je suis un observateur de la vie politique, économique, sociale etc… Un simple observateur qui essaye de comprendre, qui s’interroge.

Le 21 octobre dernier, l’ancien président de la République est condamné et incarcéré à la suite du jugement prononcé par un tribunal judiciaire au terme d’une enquête policière qui aura duré plus d’une décennie. On peut donc supposer qu’après tout ce temps, le dossier devait être « béton ». Nicolas Sarkozy est condamné à de la prison ferme assortie d’une exécution provisoire. Cela a beaucoup fait débat. C’est la première fois qu’un ancien président de la République se retrouvait en prison. Exécution provisoire veut dire exécution de la peine tout de suite, dans l’immédiat. Sarkozy a ainsi été incarcéré à la prison de la Santé. L’on a appris par la presse nationale, Paris Match notamment, que le prisonnier Sarkozy s’est acheté un balai pour faire le ménage, du thon et des yaourts pour agrémenter ses menus.

Nicolas Sarky, ancien Président de la République, condamné en octobre dernier par le tribunal judiciaire de Paris à de la prison ferme avec exécution provisoire pour « association de malfaiteurs », emprisonné le 21 octobre et libéré le 10 novembre par la Cour d’appel, sans être jugé sur le fond de l’affaire.

Le 10 novembre dernier, le même Sarkozy condamné à de la prison ferme avec exécution provisoire est libéré, sous conditions par la Cour d’appel, cette fois. Par d’autres magistrats. Si j’ai bien suivi, les premiers juges du tribunal judiciaire, après avoir examiné l’épais dossier qui compte des milliers de pages, a retenu de lourdes charges contre l’ancien président de la République. Au cas contraire, ils ne l’auraient pas envoyé en taule, qui plus est, tout de suite. Sauf que 20 jours plus tard, nouveau jugement, des juges de la Cour d’appel : Nicolas Sarkozy libéré. Mais ces derniers précisent ils n’ont pas jugé sur le fond. Sur la forme, ils ont estimé que l’ancien président de la République ne devait plus rester derrière les barreaux, parce que la prison « c’est dur, très dur ». C’est ce qu’a dit par visio-conférence Nicolas Sarkozy au président de la Cour d’appel. On le croit sur paroles.

Pour un citoyen lambda comme moi, cela ressemble à une volte-face. Comme si la Cour d’appel a infligé publiquement un camouflet à la présidente du tribunal judiciaire, qui avait expédié Sarkozy en prison. En effet, le tribunal de première instance, présidé par une magistrate présentée comme chevronnée, avait estimé qu’il fallait une incarcération immédiate. Cela suppose des éléments solides, des preuves, une conviction judiciaire. Et voilà que quelques jours plus tard, la Cour d’appel, composée, elle aussi, de magistrats assermentés, spécialistes du Droit, en décide autrement. Alors forcément, je m’interroge : qui a raison ?

Et si la Cour d’appel a raison aujourd’hui, cela veut-il dire que la première juge s’est trompée hier ? Dans les deux cas, ce sont pourtant les mêmes textes de loi, la même boussole : le Dalloz, symbole du Droit français. Mais à force de voir des décisions se contredire d’une juridiction à l’autre, j’en viens à me demander si cette boussole n’indique pas le nord selon l’humeur du jour. J’en finis par déduire que la présidente du tribunal judiciaire aurait ainsi envoyé Sarkozy au trou, comme ça, parce qu’elle en avait envie. Ou peut-être « un compte à régler », comme j’ai pu l’entendre sur les télés nationales. Si c’est le cas, c’est grave !

Le cas Didier Robert à la Réunion : on refait le procès, comme on rejoue le même match

À La Réunion, l’affaire dite « des emplois fictifs de cabinet » donne une autre illustration de ce sentiment de confusion. En mai dernier, après une semaine de procès, le tribunal correctionnel de Saint-Denis avait relaxé Didier Robert, ancien président de Région ainsi que dix autres prévenus. Motif : « pas d’éléments suffisants » pour prononcer des condamnations. Comprenez : pas de preuves. Et pourtant, l’enquête avait été longue, minutieuse, conduite dans un premier temps par les magistrats financiers de la Chambre régionale des comptes (CRC) puis, dans un second temps, par les fins limiers du Parquet national financier (PNF) à Paris. Un capitaine de police est même venu témoigner à la barre.

 

Didier Robert, ancien président de Région, relaxé dans l’affaire dite « des emplois fictifs » de cabinet par le tribunal correctionnel de Saint-Denis en mai 2024 « faute de preuves », rejugé ce mercredi 12 novembre par la Cour d’appel car le parquet avait fait appel de la relaxe.

Mais voilà que, un an plus tard, les 12 et 13 novembre prochains, la Cour d’appel de Saint-Denis va rejuger les mêmes personnes, pour les mêmes faits. Pourquoi ? Parce que le parquet n’a pas accepté la relaxe collective prononcée par les juges de la Correctionnelle. C’est là que, le citoyen que je suis, décroche. J’ai même appelé quelques avocats pour essayer de comprendre. Comme nombre d’entre eux, je croyais naïvement que l’appel servait surtout aux condamnés, pour contester un jugement qu’ils jugent injuste. Pas à l’État, par l’intermédiaire du parquet, pour rejouer une partie qu’il estime avoir perdue. Alors, oui, tout cela est légal. Mais est-ce lisible ? Est-ce cohérent pour le grand public ? Pas vraiment. Et si demain la Cour d’appel décidait de condamner là où la première instance avait relaxé, il faudrait donc admettre que les premiers juges s’étaient trompés ? Ou bien que la vérité judiciaire dépende simplement de la juridiction qui la prononce ? Que chaque juridiction puisse avoir ses raisons que la raison ignore ? Autrement dit, s’il y a, cette fois condamnation, cela voudrait dire qu’entre mai 2024 et novembre 2025, en un an, la Cour d’appel aura pu réaliser ce que le PNF et les juges de la Correctionnelle n’auront pas su faire en près de 5 ans ? Rappelons que « le cabinet pléthorique » a été épinglé par la CRC en 2020, qu’une enquête (avec perquisitions et tout le bazar) a été enclenché en 2021, qu’elle a duré jusqu’en 2024 sous l’égide de l’ancien Procureur de la République Eric Tufféry.

Je pense aussi à la condamnation prononcée contre André Thien-Ah-Koon par le tribunal correctionnel de Saint-Pierre : inéligibilité avec exécution provisoire. Une décision de justice qui a « dégagé » manu militari l’ancien maire du Tampon de la scène politique pour avoir embauché dans une SPL la fille de son ancien 1er adjoint. En un trait de plume, les magistrats  de la Correctionnelle, suivi par ceux de la Cour d’appel et de la Cour de cassation (cette dernière judicition ayant carrément refusé d’examiner le dossier) ont mis fin à sa longue carrière politique en l’expulsant comme s’il avait été un grand bandit.Du genre, « dégagez, on ne veut plus vous voir, vous êtes dangereux pour la société » (C’est mon interprétation à moi).  Lui n’a donc eu droit à aucune bienveillance. Pas comme Sarkozy incarcéré dans un premier temps avec exécution provisoire pour une affaire présumée « association de malfaiteurs » (financements libyens de sa campagne électorale ; Il serait question un trafic international de plusieurs dizaines de millions d’euros) et qui, sans même être jugé sur le fond, a obtenu la clémence des juges de la Cour d’appel. Tak, « dégagé » par la justice !

Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne, dans l’affaire du Sidélec, a également écopé en septembre dernier d’une condamnation à de l’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire. Mais contrairement à André Thien-Ah-Koon, l’élu communiste continue à vaquer à ses occupations politiques : maire de Sainte-Suzanne, président de la Cinor, président du Sidélec…

Une justice qui se contredit, une confiance qui s’effrite

Je sais que la justice est humaine. Je sais aussi qu’elle repose sur l’interprétation, sur l’intime conviction des juges. Mais quand ses décisions s’opposent frontalement, elle envoie un message déroutant. Car ce que le citoyen voit, pour ne prendre que les exemples cités ci-dessus, ce n’est pas le raisonnement juridique complexe, c’est le résultat : un homme incarcéré puis libéré, un autre relaxé puis rejugé, un autre condamné avec exécution provisoire obligé de dégager le plancher, puis un autre condamné pareil, mais toujours en poste. Cela donne l’impression d’une justice hésitante, changeante, presque politisée. Comme la politique, la justice semble parfois guidée non par une ligne claire, mais par des sensibilités, des nuances d’interprétation, voire des “états d’âme”. Pourtant, on nous a appris qu’elle devait être impartiale, indépendante et prévisible. Aujourd’hui, elle paraît tout l’inverse : imprévisible, fragmentée, incomprise.

Le citoyen ne demande pas la perfection, juste la cohérence. Je ne remets bien évidemment pas en cause les magistrats, ni la rigueur de leur travail. Mais je me dis que, dans un État de droit, la justice doit d’abord être lisible et cohérente. Sans cela, la confiance populaire s’effrite. Car si même la justice ne parle plus d’une seule voix, que reste-t-il comme repère pour le citoyen ? Entre une politique de plus en plus brouillonne et une justice qui semble parfois s’y calquer, la frontière entre le droit, l’opinion et l’émotion devient floue. Le risque : sans confiance dans la justice, c’est toute la République qui vacille.

Au fil de mes questionnements auprès des spécialistes du Droit, j’ai appris que « le parquet (ou ministère public) représente l’État et la société. Son rôle est de poursuivre les infractions et de défendre l’intérêt public. Contrairement aux juges du siège (qui jugent), les procureurs ne sont pas indépendants de la hiérarchie judiciaire. Ils peuvent faire appel d’une décision s’ils estiment qu’elle ne reflète pas une juste application du droit ». Pour sa part, « la Cour d’appel ne rejoue pas le procès « pour le plaisir ». Elle réexamine entièrement l’affaire, en droit et en faits. Autrement dit, elle peut confirmer ou infirmer la décision rendue en première instance. La Cour d’appel ne découvre pas de “nouvelles preuves” miraculeuses, mais elle réévalue les mêmes éléments selon sa propre lecture juridique ».

Oui, mais pourquoi des jugements différents alors que la boussole reste le Droit (le Dalloz)? « Parce que la justice n’est pas une science exacte. Le même dossier peut être interprété différemment selon les juges, les arguments, ou même la sensibilité juridique de la formation de jugement. D’où ces variations qui, pour le citoyen, ressemblent à des contradictions ».

Même si dans l’absolu j’ai plus tendance à croire en la justice divine, je continuerai, selon la formule consacrée, « à croire en la justice de mon pays », parce qu’elle reste la colonne vertébrale de notre démocratie. Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’à force de se contredire, de se déjuger, de donner l’impression qu’elle se cherche, de se guerroyer entre magistrats, la justice française perd un peu de cette autorité tranquille qui la rendait crédible.

Y.M.

(montrougeyves@gmail.com)

 

 

Yves Mont-Rouge

montrougeyves@gmail.com
Téléphone : 0692 85 39 64

11 Commentaires

  1. Quand on fait de l’analyse politico judiciaire, le minimum c’est de connaître son sujet , et découvrir à votre âge ce qu’est un procureur et une cour d’appel , pour quelqu’un qui se prétend « journaliste «  ce n’est pas très glorieux . Le journaliste est sensé éclairer ses lecteurs..le moins que l’on puisse dire c’est que vous vous les embrouillez …mais ça ça n’est pas nouveau ! Vous avez toujours tout ramené à votre opinion, ça c’est courant , mais surtout vous le faites avec une telle suffisance que cette mediocrité en devient affligeante !

  2. bonjour monsieur Montrouge..
    vous semblez toujours n’avoir pas encore digéré la condamnation de TAK et son expulsion définitive de la scène politique !!
    ce maire tamponnais présenté comme un enfant de cœur je vous le rappelle avec force avait toujours reçu la protection du système judiciaire..report X fois les dates de ses procès..relaxe..etc .. pourtant des actes largement condamnables j’en veux pour preuve l’affaire du 4/4 où aujourd’hui un homme est handicapé..ou encore les femmes venues protester contre des graffitis obscènes sur une affiche d’une candidate..venues crier leur colère et battues par ses nervis devant la mairie du Tampon..
    moi je ne les ai pas oubliées !
    et que dire des consorts PAYET qui hurle au vol et à l’injustice du blocage de leur grand terrain depuis plus de 35 ans malgré les diverses condamnation de la commune à travers divers jugements dont la cassation..
    ( voir la vidéo d’un slam ou les PAYET hurle leur colère et leur détermination sur divers réseaux sociaux ).

  3. Montrouge tente d’ouvrir un débat sur la relation entre justice, clarté et confiance citoyenne, ce qui est tout à fait pertinent, notamment dans un contexte d’affaires politiques.
    Mais son approche est biaisée et mérite d’être renforcée : Montrouge aurait pu s’appuyer davantage sur la spécialisation juridique, donner des contre-exemples, et modérer un ton suspicieux afin de rester dans une posture d’analyse plutôt que de dénonciation implicite, d’un apprenti journaliste…
    Oui, la justice doit être lisible et crédible aux yeux du citoyen, mais non, on ne peut pas tirer trop vite des conclusions globales à partir de quelques cas à charge choisis sans approfondissement.
    Après plus de 40 ans de journalisme, peut mieux faire, ou il est peut-être temps de s’arrêter !

  4. On découvrirait l’injustice? Et toujours rien sur la SPL Estival où est concerné un avocat qui a dû boire et manger avec les procureurs et juges! Et pourtant pas moins de 30 familles n’ont plus de revenus à cause du licenciement d’un des leurs! On parle de 400000 euros de factures injustifiées!
    Toujours rien sur les affaires de David Vital et ses parties de cartes dans l’Est, en lien avec des juges et des bandits.
    Notre belle société serait pourrie jusqu’à l’os, depuis le président jusqu’au plus petit élu! Mais c’est le gars du peuple qui a volé une orange pour la manger qui ira croupir en prison!
    La Révolution Française n’a jamais aboli les privilèges, ils ont juste été déplacés des rois vers les notables maçons! Le peuple n’a plus de pain, qu’on lui donne de la brioche!

  5. Des questions que le commun des mortels se pose.
    « Toujours croire en la justice de son pays » formule qui peut sembler naïve mais o combien importante.

    « Que l’on soit puissant ou misérable….  » sans doute formuler plus réellement.

    Toujours croire en la justice meme si on se rend compte de l’injustice a un passé, un present et un avenir.

    Le plus important, c’est de connaitre qui on est, de pouvoir se regarder dans un miroir et de se dire …. finalement je suis quelqu’un de bien.

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