C’est toujours la même rengaine : à l’approche des élections municipales, on entend de tout et, parfois aussi, de n’importe quoi. Depuis quelques semaines, pour ne pas dire mois, une folle rumeur circule dans le microcosme politique panonnais; Rumeur selon laquelle Daniel Gonthier, l’ancien maire de Bras-Panon durant quasiment 20 ans (2001-2020) ne se présenterait pas aux municipales de mars 2026 dans cette même commune car il aurait été « acheté » par l’actuel maire Jeannick Atchapa via « le déclassement de plusieurs hectares de terrains » dans le cadre du nouveau PLU (Plan Local d’Urbanisme);

Des terrains appartenant à la SAP (SAS Société Agricole de la Paix) appartenant aux Moreau, présidée depuis le 30 mars 2016 par la société DP Investissements, créée le 1^er septembre 2014 et « représentée de manière permanente par son associé unique, Daniel Moreau », frère de l’épouse de Daniel Gonthier, l’ancien maire de Bras-Panon. En cette période politique sensible, nous avons voulu en savoir plus.

Premier coup de fil, à l’intéressé lui-même : Daniel Gonthier. Qui ne répond plus du tout aux appels téléphoniques. Aux miens, en l’occurrence. Certains de mes confrères précisent que c’est « pareil » pour eux. Or, ce n’était pas du tout dans les habitudes de Daniel Gonthier, connu pour être plutôt prolixe sur quasiment tous les sujets. A deux ou trois reprises déjà, mes appels téléphoniques sont restés bredouilles. Mais chaque personne est libre de répondre ou non, chacun a ses raisons que nous respectons, bien évidemment. Peut-être, lorsqu’il sera plus disponible, prendra-t-il le temps de nous rappeler.

Deuxième coup de fil : à l’un de ses proches, cette fois, qui nous explique que, d’après lui, à moins d’un changement de dernière minute, « Daniel Gonthier ne sera pas candidat pour des raisons de santé concernant un membre de sa famille ». Un parent, manifestement. Il faut signaler que l’ancien maire de Bras-Panon n’est presque plus visible, ni audible sur le terrain à Bras-Panon. Ni d’ailleurs au conseil communautaire de la Cirest et au conseil municipal de Bras-Panon où il prenait systématiquement le temps de siéger auparavant et même d’intervenir. Souvent. Ce n’est plus le cas ces derniers temps. Et les séances sont d’ailleurs beaucoup plus rapides, ont remarqué nombre de ses collègues.

Troisième coup de fil : à Jeannick Atchapa, le maire de Bras-Panon, en personne. Question directe au premier magistrat de la ville : « est-ce vrai que Daniel Gonthier ne se présentera pas contre vous aux municipales de 2026 parce que vous avez déclassé des terrains appartenant aux Moreau, ces beaux-frères, plus précisément à la SAP, société que préside Daniel Moreau ? ». Rires… Puis, plus sérieusement, Jeannick Atchapa répond toujours avec le sourire: « c’est du n’importe quoi. Depuis que je suis maire, la mairie n’a jamais déclassé des terrains appartenant à la famille Moreau ».

Jeannick Atchapa : « Daniel Gonthier a disparu de la circulation, il est déconnecté de Bras-Panon, mais s’il décide de se présenter, je l’affronterai avec grand plaisir »

Il ajoute : « Et d’ailleurs, il n’y a pas encore eu de révision du PLU à Bras-Panon. Nous ferons un bilan intermédiaire bientôt… La dernière révision remonte à novembre-décembre 2019 ». Il précise : « concernant le Domaine de la Paix, il y a eu une adaptation du droit au sol pour que la porcherie qui s’y trouve, puisse fonctionner. Mais attention, pas d’ambiguïté s’il vous plaît. Je ne fonctionne pas comme ça ».

Jeannick Atchapa poursuit : « je n’habite pas très loin de Monsieur Gonthier, mais je vous avoue que je ne le vois pas, je ne le plus depuis longtemps. Depuis que j’ai coupé les ponts avec lui en 2004 (ndlr : Jeannick Atchapa était le 1er adjoint de Daniel Gonthier, mais suite à des divergences de vue, il a préféré démissionner), je n’ai plus son téléphone; Il a disparu de la circulation. Il est déconnecté de Bras-Panon… J’ai eu raison de couper toutes relations en 2004, c’est ce qui a permis de me révéler ».

Un peu taquin, l’actuel maire déclare : « si Daniel Gonthier n’ose plus se présenter aux élections, c’est parce qu’il voit que le travail est fait et qu’il est bien fait. Maintenant, nous sommes en démocratie, s’il souhaite se présenter, il est libre de le faire; Au contraire, qu’il vienne. Ce serait avec un grand plaisir que je l’affronterai. En tout cas, je n’ai jamais déclassé les terrains de ces beaux-frères. Je le jure sur la tête de mes deux enfants. »

Rappelons qu’en 2018, soit un peu moins de 2 ans avant les municipales de 2020, Jeannick Atchapa avait écrit au Procureur de la République concernant le PLU de l’époque où il suspectait Daniel Gonthier, alors maire de Bras-Panon, de vouloir déclasser les terrains de ses beaux-frères . Il disait :« Daniel Gonthier a été absent le 20 juin dernier au conseil municipal de Bras-Panon qui examinait le PLU. Idem lors du conseil municipal du 13 septembre dernier, convoqué d’urgence, pour annuler la délibération du 20 juin suite au « retoquage » du Plan Local d’Ubanisme par les services de l’Etat », avait souligné l’opposant Atchapa lors d’une conférence de presse tenue en 2018.

Lors de cette même conférence de presse Jeannick Atchapa soulignait à propos de Daniel Gonthier : « Depuis 18 ans qu’il est maire, il n’a jamais déclassé de terrain au Domaine de la Paix qui compte au total 130 hectares alors que plusieurs projets avaient été présentés sur ces terrains par d’autres promoteurs. Et là, comme par hasard, Daniel Gonthier décide de déclasser ces terrains qui sont aujourd’hui la propriété d’une société gérée par son beau-frère. Je ne suis ni juge, ni procureur. Je n’accuse pas. Je constate et j’alerte la justice car j’estime que ce déclassement risque de se faire non pas dans l’intérêt général mais bien dans un intérêt privé et familial », insiste l’élu de l’opposition. Les parcelles concernées sont répertoriées au cadastre sous les numérotations suivantes : AM 25 d’une superficie de 7,875 hectares ; AM 26 d’une superficie de 1,930 hectares ; AM 27 d’une superficie de 117,580 hectares et AM 23 d’une superficie de 2,644 hectares. Les déclassements pointés du doigt par l’élu de l’opposition portent sur une quarantaine d’hectares (…). Daniel Moreau étant le frère de l’épouse du maire, ces éléments me semblent suffisamment troublants pour faire naître un doute légitime sur l’intérêt général de cette opération ».

En 2018, Atchapa avait alerté le Procureur de la République sur un « cas suspect de prise illégale d’intérêt »

Jeannick Atchapa suspectait à l’époque « un délit de prise illégale d’intérêts semble être constitué au sens de l’article 432-12 du code pénal qui caractérise le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

Toujours en 2018, lors de cette même conférence de presse, pour appuyer son argumentation selon laquelle il pourrait y avoir « délit de prise illégale d’intérêts », Jeannick Atchapa a sorti une jurisprudence de la Cour de Cassation (5 avril 2018) disant : « Le 5 avril 2018, la Cour de cassation a jugé que le lien d’amitié peut être constitutif de « l’intérêt » nécessaire à la caractérisation du délit de prise illégale d’intérêts (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 avril 2018, RG :17-81912). En l’espèce, le maire d’une commune a participé à toutes les étapes du processus de décision ayant abouti à retenir une société pour l’acquisition d’un terrain communal. Or, le dirigeant de la société acheteuse était un ami proche du maire avec lequel jouait au golf… Le maire a été poursuivi pour prise illégale d’intérêt et le dirigeant de la société pour recel de ce délit.

En effet, la simple amitié peut suffire, en l’absence de tout autre lien, à caractériser l’infraction de prise illégale d’intérêts. Ainsi, les juges ont estimé que l’intérêt pouvait être de nature matérielle ou morale, et direct ou indirect. Par voie de conséquence, cet intérêt ne nécessite pas d’apporter la preuve d’une contrepartie financière ou d’une contradiction avec l’intérêt du service public. Les élus locaux peuvent donc mettre en jeu leur responsabilité pénale dès qu’il existera des interférences entre leur personnes avec lesquelles ils entretiennent des relations amicales et les décisions auxquelles ils participent ».

L’élu de l’opposition a tenu à rappeler que c’est la première fois qu’il saisit la justice concernant la gestion de la commune de Bras-Panon « même si plusieurs faits commis par le maire frisent l’illégalité depuis des années ».

Autre remarque que faisait Atchapa en 2018, à propos de Daniel Gonthier : « comme par hasard, à chaque fois qu’il (Gonthier) est question du PLU, le maire est absent mais il donne procuration à son 1^er adjoint Gilles Jeanson. Donc, même absent, il vote le PLU, puis lorsque l’Etat retoque ce PLU, il vote pour le retrait du document ».

Rappelons que Jeannick Atchapa a été élu maire, en juin 2020, au second tour, face à Daniel Gonthier. Election qu’il a remportée avec 76 voix d’écart. Depuis, plusieurs soutiens de l’ancien maire, tels que son ancien 1er adjoint (Gilles Jeanson), celle qui allait le devenir en cas d’élection (Carole Sin Lee Sou)… sont passés dans le camp de l’actuel maire.

Enfin, à en croire, des personnes qui connaissent bien Daniel Gonthier, « il faudrait se méfier de l’eau qui dort… Au dernier moment, il pourrait peut-être se présenter en se contentant d’une courte campagne électorale. Ce silence fait peut-être partie de sa stratégie électorale ». L’avenir le dira. Ce qui est sûr, à en croire, le maire Jeannick Atchapa, c’est que la rumeur en question, alimentée par les mauvaises langues, n’a pas lieu d’être. « C’est archi-faux ! »