Il y a ceux qui viennent à La Réunion pour le lagon, le cari et les couchers de soleil. Et puis il y a Félix Natali, Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France, qui débarque avec un autre programme : allumer une loge, transmettre des valeurs, et rappeler que la franc-maçonnerie, ce n’est pas un club de notables qui se refilent des marchés publics (oui, il l’a cru à 24 ans, et il en rit encore).

C’est au restaurant Côté Seine, à Saint-Denis, autour d’un petit-déjeuner ensoleillé, que Félix Natali a partagé cette vision du monde, avec la même douceur qu’un rayon de matin. Bienveillant, calme, apaisé,  il parle comme on éclaire une pièce : sans éclat inutile, mais avec chaleur.

« L’humilité avant tout (et un peu d’eau salée) »

Depuis son arrivée sur l’île, Félix Natali enchaîne rencontres, conférences et planches, au sens maçonnique, pas de surf (même s’il vit à Ajaccio et se baigne tous les jours de mai à octobre). Sa première planche ? Sur l’eau. Et il l’a… complètement ratée.

“Trop universitaire, pas assez de jus de moi.”

Une claque salutaire. Depuis, il a appris que la franc-maçonnerie n’est pas un exercice académique, mais une aventure humaine.

“On est franc-maçon du matin au soir, même au club de bridge.”

 

« Éclairer plutôt que briller »

Félix Natali parle doucement, mais frappe juste. Pour lui, la franc-maçonnerie n’est ni un entre-soi poussiéreux, ni un “cercle d’initiés à capuche”. C’est un engagement du quotidien, une manière d’être au monde.

“On ne devient pas franc-maçon pour briller, mais pour éclairer.” Et surtout, il insiste :  “Ce qu’on apprend en loge, il faut le faire rayonner dehors.”

À La Réunion, il est tombé sous le charme du vivre-ensemble.

“Ce que vous vivez ici, il faut l’enseigner à la métropole.”

Il observe aussi que, dans les îles, Corse, Guadeloupe, Martinique, Réunion, la spiritualité maçonnique est plus intense, enracinée, vibrante.
Une sagesse du cœur qui dépasse les rituels.

Témoignage de Gérald : 33 ans de maçonnerie et une mémoire vivante

Gérald, franc-maçon depuis 33 ans, incarne cette histoire réunionnaise.

“La franc-maçonnerie à La Réunion existe depuis 1777, soit quatre ans après l’installation du Grand Orient en métropole. Elle s’est rapidement étendue à l’île Bourbon et à l’île de France, aujourd’hui Maurice.”

Issu d’une vieille famille créole, Gérald voit dans la franc-maçonnerie un chemin de connaissance et d’ouverture.

“J’ai écrit une lettre très jeune pour dire que je voulais partager ces valeurs. Ce sont des valeurs de fraternité, d’écoute, et de réflexion.”

Il compare les obédiences à des fédérations sportives : “Chaque loge est une équipe, avec ses règles, mais toutes jouent le même jeu.” Et il insiste sur le travail personnel : “On taille sa pierre, on fait des planches, on écoute ses frères et sœurs. C’est une démarche exigeante, mais profondément enrichissante.”

Face aux clichés, il est clair :

“Non, être franc-maçon ne vous ouvre pas des portes magiques. Au contraire, la recherche de la connaissance peut déranger ceux qui refusent d’évoluer.”

Allumer une loge, pas une guerre d’obédiences

Demain, la 268ᵉ loge de la GLMF sera allumée à Saint-Louis. Une nouvelle manière de travailler, d’accueillir ceux qui ne se reconnaissaient plus dans les structures existantes.

“Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise obédience. Il y a celle qui vous correspond.”

Et pour les curieux qui rêvent de frapper à la porte du temple ?

“Il faut être majeur, vouloir transmettre et recevoir, et considérer l’autre comme son égal. Et oui, il faut aussi donner un petit peu d’euros,” ajoute-t-il avec un sourire complice.

 

Fraternité vs amitié : la nuance qui change tout

“L’amitié, on la choisit. La fraternité, on l’accueille.”

En loge, on ne choisit pas ses frères et sœurs. On les reconnaît.
Le message est clair : ce qui compte, c’est le socle commun de valeurs, l’initiation et la solidarité inconditionnelle.

 Et le secret maçonnique, alors ? Il sourit :

“Il n’existe pas. Tout est sur Google.” Mais il nuance aussitôt : “Ce que vous ne trouverez jamais, c’est l’émotion de l’initiation.
Et ça, c’est votre secret à vous.”

Pas de formule magique, pas de baguette. Juste une quête intérieure, exigeante et libre.

« Une méthode pour penser contre soi-même »

La franc-maçonnerie, dit-il, ce n’est pas une doctrine : « c’est une méthode. »

1. Écouter sans interrompre
2. Respecter la parole de l’autre
3. Ne jamais dire “tu as tort”, mais chercher ce qui est juste
4. Penser contre soi-même

“Peut-être que l’idée d’untel est meilleure que la mienne. Peut-être que la vérité est entre les deux.”

Ce qui compte, c’est la recherche du « point d’équilibre, pas la victoire d’un ego. »

Prochaine étape : « faire des vagues… dans les esprits »

Rendez-vous samedi à 18h, à l’Hôtel des Postes de Saint-Leu, pour une conférence sur le thème : “La Franc-Maçonnerie et la Biodiversité”. Il n’aura pas le temps d’aller surfer, mais il promet d’en faire des vagues intellectuelles.

“On ne devient pas franc-maçon pour briller. On devient franc-maçon pour éclairer.”